Ancarel

Vous prendrez bien un feedback ?

Une arme est emballé dans du papier cadeau à paillette rouge sur fond bleu


Feedback, communication positive et management, entre cadeau ou arme de destruction massive, une explication s’impose !


Bientôt, vous pourrez écouter cet article. En attendant, une surprise en chanson !


Un peu d’histoire…

Norbert WIENER utilise pour la première fois dans les années 50 le terme ” feedback ” dans un ouvrage sur la cybernétique. Le feedback apparaît alors comme un outil de régulation d’un système reposant sur un processus répété en boucle en 3 étapes – question, évaluation, ajustement – qui permet de remplir deux objectifs à la fois liés et distincts :

  1. Pouvoir vérifier un état ou une situation
  2. Pouvoir modifier un état ou une situation

Il met en évidence que ce phénomène de rétroaction existe depuis toujours, c’est notamment la manière dont notre corps procède pour s’auto-réguler.

Par exemple, dans le processus de digestion :

  1. Question interne inconsciente : ai-je fini ma digestion ?
  2. Puis, évaluation de l’état de la digestion.
  3. Enfin, ajustement en sucs gastriques et autres enzymes pour la finaliser.

Ce principe d’absence de frontière entre vivant et machine est révolutionnaire pour l’époque. Il impactera non seulement l’ensemble des sciences dures, mais aussi la philosophie, la psychiatrie et la psychologie. Plaçant le feedback au centre de la circulation de l’information, un nouveau courant de pensée où tout n’est que communication voit le jour.

Feedback moderne et communication interpersonnelle

L’école de Palo Alto va s’aider des travaux de WIENER pour améliorer la compréhension du patient par son thérapeute. Ce dernier n’est alors plus considéré comme un individu isolé, mais comme un individu évoluant dans un environnement interagissant avec lui et contribuant au renforcement (ou non) de son comportement.
Ici, le feedback est analysé sous l’angle du patient qui reçoit des informations de son environnement l’encourageant à le maintenir dans son problème ou sa pathologie.
Agir sur l’environnement ou sur la réception des informations peuvent alors impacter positivement la progression du patient. Plus encore le thérapeute lui-même est un facteur d’influence des comportements du patient.

Le feedback se transforme en facteur d’influence externe, source d’informations pouvant générer des modifications comportementales. Et les informations que nous renvoyons à l’autre, y compris non verbales, influencent sa réponse comme son comportement et réciproquement.

La communication prend alors l’apparence d’une boucle où le feedback joue un rôle central dans la co-construction de l’échange. De ce fait, chacun prend alternativement le rôle d’émetteur et de récepteur.

Le feedback moderne est né et réaffirme le concept de transaction dans la communication, élément clé et fondateur de tous les principes de communication positive.

Les 4 types de « feedbacks »

Jusqu’à maintenant, nous avons identifié de deux types de feedbacks sur 4 existants.

1. Feedback interne d’évaluation

Processus d’autoévaluation : question, évaluation, ajustement. Nous avons tous un dialogue interne, une communication propre qui repose en partie sur ce type feedback.
En fait, ce sont toutes nos interrogations intimes et régulières sur notre manière de faire, nos analyses « post mortem » des actions menées, toutes les solutions et les changements de comportement que nous voudrions effectuer …

2. Feedback interpersonnel ou « communicationnel »

Expliqué en 1979 par Paul WATZLAVICK, « on ne peut pas ne pas communiquer, qu’on le veuille ou non, activité ou inactivité, parole ou silence, tout a valeur de message ». Ici, la communication est traitée à la fois une boucle et comme un tout, un comportement global, que l’autre reçoit et donne pleinement, impossible d’isoler une forme de langage verbal ou non verbal.

En adaptation et déclinaison des deux premiers, se profilent également : le feedback d’enrichissement et le pseudo-feedback.

3. Le feedback d’enrichissement

Le feedback d’enrichissement est une observation ou un ressenti personnel (ou une combinaison des deux) partagés avec une autre personne. Cette observation ou ce ressenti sont liés à celui auquel nous offrons nos pensées. Dans toute relation interpersonnelle comme dans le cas spécifique des situations managériales, ce feedback respecte des codes précis de communication positive.

4. Le pseudo-feedback : processus d’évaluation externe

Le pseudo-feedback n’est pas un feedback.
Il se caractérise par la participation d’un tiers dans le processus d’autoévaluation d’un individu. Cette intervention porte sur une ou plusieurs des 3 étapes du processus d’évaluation : question et/ou évaluation et/ou ajustement.
En fait, le pseudo-feedback est au mieux une évaluation factuelle, au pire un jugement porté sur l’autre, ses actions, son comportement ou ses résultats.

Les pseudo-feedbacks omniprésents et destructeurs

Le pseudo-feedback est au feedback, ce que la cocaïne est à la farine, c’est-à-dire rien du tout.
Il se fond sournoisement dans nos échanges avec les autres et le reconnaître nous donne une chance de l’éviter !
Ils ont proliféré jusqu’à devenir omniprésents pour deux raisons majeures :

  1. L’envie de plaire coule dans nos veines et nous les recherchons pour nous rassurer, être félicité, encouragé…
  2. Aujourd’hui, nous jugeons tout ! Notant les applications, les hôtels, likant, commentant sur les réseaux sociaux… A tel point, que cela devient un réflexe naturel, y compris dans notre quotidien et nos relations interpersonnelles.

Juger comme être jugé sont devenus la norme et le jugement est devenu un droit, chacun revendiquant la valeur du sien.
Dans ce contexte, les pseudo-feedbacks ont la part belle et ils se caractérisent par :

  • La distribution de bons ou mauvais points : « bien / pas bien ».
  • L’usage abusif du « tu » qui « tue » : « tu es comme ceci », « tu as fait cela », « tu as dit ça »…
  • L’utilisation d’injonctions : « il faut que », « tu aurais dû faire ceci », « tu ne dois pas faire cela », « demain tu dois faire »…
  • L’absence de nuance et la généralisation d’un comportement, d’un état, d’un résultat : « toujours », « jamais ».
  • Une communication ping-pong basée sur l’argumentation pour convaincre.

De manière insidieuse, nous nous substituons à la pensée de l’autre, à sa réflexion et à son autonomie et nous nous laissons aussi envahir par ces certitudes qui ne nous appartiennent pas.
Positifs ou négatifs, ces pseudo-feedbacks déstabilisent notre propre système d’évaluation interne comme celui des autres.

Pseudo-feedback et management omnipotent : une erreur fréquente

Une erreur managériale fréquente est de penser que si nous voulons que ce soit bien fait, il faut le faire soi-même ou de laisser faire les autres par nécessité en pensant intimement que nous ferions bien mieux.
En fait, le management peut mener au développement d’un sentiment d’importance et de puissance.
Les causes sont multiples et s’expliquent aussi bien par le besoin de domination, que part la répétition d’un comportement appris ou la transposition erronée de la notion juridique de « pouvoir de direction » en « pouvoir sur les autres ».
Les managers les plus égarés n’auront aucune limite et tomberont dans le piège fou de la toute puissance managériale.

Sans parler d’extrême, certains managers se donnent plus de valeur qu’ils n’en donnent aux autres. Ils prennent alors une position haute. Et ils peuvent se penser légitimes à porter des jugements sur leurs collaborateurs.

D’autant plus que le management comporte une mission d’évaluation.
En pleine confusion, ils imaginent peut-être utiliser un outil de communication positive, sans percevoir qu’en multipliant les pseudo-feedbacks et en partageant leurs opinions sans retenue ils nuisent à l’affirmation des autres et à leur développement naturel.
Souvent de bonne foi, ils partagent leur point de vue, mettant le doigt sur les erreurs et donnant des solutions qui finissent par ressembler à des « yaka / faukon* ».

Peu à peu, les échanges se transforment mascarade. Le manager donne des conseils (ou des reproches) et au mieux, le collaborateur joue au culbuto, hochant la tête en en pensant pas moins.

En vérité, seuls les être d’exception peuvent confronter les autres et émettre des jugements, et s’ils sont exceptionnels c’est parce qu’ils ne le font pas.

Échapper au regard des autres et reprendre sa place

Rares sont ceux qui remettent en question l’importance du regard des autres, piquousés que nous sommes, dès le plus jeune âge à la dépendance des feedbacks extérieurs et sous perfusion dans le monde professionnel de ces retours tant espérés.
Difficile alors de s’en extraire.

Pourtant y être trop souvent exposé peut avoir des conséquences : perte d’estime de soi, manque de confiance, démotivation, immobilisme, passivité, déprime, dépendance, incohérence comportementale, besoin démesuré de reconnaissance, déresponsabilisation, victimisation, agressivité…

Il n’est évidemment qu’un des facteurs de ces symptômes, mais pas des moindres.
Et pour preuve, les personnes les plus heureuses, sont aussi celles qui se préoccupent le moins de ce que pensent les autres et cela aussi bien négativement que positivement.

Pourquoi ? Parce qu’elles ont un système d’évaluation interne performant !

Elles se posent les bonnes questions, tiennent compte des bons éléments pour évaluer la situation et leur comportement et ajustent avec sérénité ce qu’elles ont décidé de corriger.

Nous pourrions croire qu’il ne faut s’éloigner que des retours négatifs, très loin de là, méfions-nous davantage encore de ceux qui sont positifs. Ils sont tout aussi néfastes pour nous, notre autonomie, notre confiance. Rien de ce qui doit être à nous ne doit dépendre des autres.

Développer des feedbacks internes positifs

Développer des feedbacks internes pertinents revient à vérifier un état ou une situation et à les modifier si besoin. Dans le temps, lorsqu’ils sont positivement construits, ils permettent de :

  • Développer la confiance et l’estime de soi.
  • Être plus performant, prendre des décisions, passer à l’action…
  • Corriger la posture intrusive que nous adoptons avec les autres, en nous affirmant positivement et par réciprocité en permettant à l’autre de le faire.
  • Plus globalement, c’est une chance que nous nous offrons de nous sentir bien avec nous et avec les autres.

Une sensibilité variable face au regard des autres

Nous sommes très inégalement sensibles aux jugements des autres et pour cause, ceux qui ont grandi dans un environnement culpabilisant, où feedback et jugement se confondent, aurons plus de risques de développer une hyper sensibilité au regard des autres.

Au-delà de l’éducation reçue, 3 facteurs sont à prendre en considération :

  1. Le niveau d’influence de celui qui le porte (parents, amis, manager, inconnu …)
  2. Aussi, sa capacité et sa volonté d’abstraction.
  3. Et enfin, la zone de confort ou d’inconfort dans laquelle nous nous trouvons au moment de la réception du feedback.

Pour se libérer de l’attachement conscient ou inconscient des personnes qui nous entourent Jacques MARTEL propose une technique simple et très efficace, mais qui prête à rire pour ceux qui ne la connaisse pas. Dans cette vidéo, il expose délicieusement comment retrouver très rapidement une liberté d’esprit.

Ingrédients nécessaires pour des feedbacks internes positifs

Maintenant que nous abordons la question des feedbacks internes positifs avec beaucoup plus de conscience, nous pouvons en donner les ingrédients de réussite :

  1. Garder en conscience que ce qui compte c’est ce que nous pensons de nous-même. Plaire à tout le monde est de toute manière illusoire.
  2. Accepter d’avoir des failles aussi bien que des forces. Trop souvent, nous apprenons à identifier nos fameux axes d’amélioration, et prenons pour de la prétention le fait de reconnaître nos talents. Nous en avons tous, alors autant prendre plaisir à les découvrir et les affirmer.
  3. Faire preuve d’honnêteté intellectuelle aussi bien dans les questions internes que nous nous posons, que dans l’évaluation de la situation, que dans les ajustements à réaliser. Si d’entrée, la question est négativement induite, la réponse ne pourra pas être positive !
  4. Faire preuve de tempérance. Évitons y compris pour nous-même, les « jamais », les « toujours », les « je suis nul », les « c’est toujours facile pour les autres et jamais pour moi » …
  5. Oser la tolérance en adaptant notre niveau d’exigence à notre niveau de compétence. Il est normal de confronter un adolescent qui ne sait pas faire ses lacets, comme il est normal d’être indulgent avec un enfant de 4 ans qui est en train d’apprendre à le faire.
  6. Oser s’aimer. <3

Adopter une attitude de retenue vis-à-vis des autres

Pour limiter les pseudo-feedbacks dans sa communication, il est conseiller d’adopter une attitude de retenue, vis-à-vis de ses mots et surtout de ses pensées.

Et dans une réciprocité totale, nous pouvons réappliquer tous les principes précédemment exposés :

  1. Garder en conscience que ce qui compte c’est ce que chacun pense de lui. Tout le monde ne peut pas vous plaire et c’est tant mieux. Vive la diversité !
  2. Accepter les failles aussi bien que les forces de ceux qui vous entourent. Trop souvent, nous identifions les axes d’amélioration, amusons-nous aussi à reconnaître les talents des autres !
  3. Faire preuve d’honnêteté intellectuelle en évitant de poser des questions orientées négativement, en évitant l’ironie et les luttes de pouvoir dans la communication.
  4. Faire preuve de tempérance : évitons le plus possible les « jamais », les « toujours » et les jugements hâtifs. Soyons humbles, il y a bien des choses que nous ignorons sur les autres.
  5. Oser la tolérance, surtout dans le cadre managérial, en adaptant son niveau d’exigence au niveau de compétence de l’autre, mais sans complaisance pour autant.
  6. Oser aimer ceux qui nous entourent, sans retenue et sans obligation pour autant.
  7. Et enfin, une ultime technique, avant de dire ce que nous pensons, même si c’est positif, essayons de questionner l’autre, de manière à l’amener à formuler lui-même son propre feedback.

Apprendre à formuler de beaux feedbacks d’enrichissement

Il nous reste un dernier type de feedback à expliquer : le feedback d’enrichissement.
Ce feedback là porte aussi bien sur les observations que nous avons pu faire, avec toute la prudence et l’humilité que nous avons déjà évoquées, que sur notre ressenti, par rapport à toutes les situations que nous partageons avec l’autre.
Ces observations, ces ressentis, nous allons pouvoir les offrir comme des cadeaux.

Car lorsque nous nous ouvrons avec bienveillance, avec sincérité, sans jugement, avec l’envie de partage et que nous le faisons dans les règles de l’art de la communication alors, ces feedbacks d’enrichissement nourrissent positivement aussi bien pour celui qui le porte que pour celui qui le reçoit.

La technique pour des feedbacks d’enrichissement réussis

  1. Commencer par demander réellement à l’autre son accord pour recevoir un feedback. Primo, nous ne sommes pas toujours disponibles pour communiquer, secundo, cela met en éveil l’écoute de son interlocuteur, enfin, il se sentira respecter en tant que personne. Evidemment, en cas de réponse négative, il ne faut pas insister.
  2. Remercier sincèrement pour l’accord.
  3. Parler au « JE » : chaque phrase doit commencer par « JE », ni pas « tu », ni par « on », ni autrement.
  4. Parler de faits et de sentiments, d’émotions de ressentis. Un feedback glaçon au contraire appauvrissant. Le feedback d’enrichissement nécessite une implication personnelle, vraie et émotionnelle. Les opinions sont à proscrire, comme tout ce qui ressemble à un jugement ou à un argumentaire. Il ne s’agit pas de faire une démonstration, mais bien de parler de l’autre et de soi avec la plus grande ouverture possible. Ce qui implique qu’avoir raison n’a aucune importance, ce qui compte c’est de se comprendre.
  5. Être clair, limpide, simple. Il est nécessaire de porter sa parole de manière complète et franche.
    • Si l’objet du feedback est de renforcer un comportement positif, le dire, sans ajouter le « mais » qui détruit tout sur son passage.
    • Si l’objet du feedback est d’aborder un ajustement de comportement, un changement, prendre soin de le proposer au lieu de l’imposer.
  6. Conclure en remerciant pour l’écouter et en invitant l’autre à échanger avec nous.


Vous voilà parfaitement armé pour offrir et vous offrir des feedbacks constructifs !

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